La nuit mimosa

Qui n'a pas eu cette expérience ignore, je crois, la portée des sens et plus encore la véritable "vue" de l'esprit. Et cette capacité à "voir" n'est pas réellement visuelle mais olfactive, presque gustative. Voilà la nuit venue sur Mandelieu. Tout enveloppés dans le lait bleu de la nuit monte à mes narines la présence sculpturale d'un mimosa dessiné sur la colline. Je ne le vois pas, je le ressens, le pressens, le touche, le goûte, il est là, invisible mais puissant. Il est dans son odeur, ou plutôt son odeur dit tout de lui. L'odeur déplie devant elle le monde qu'elle suggère: le printemps juste en avance, les cieux bleus et les roches rouges ou argileuses, les matins d'un violet léger sur la méditerranée, le sourire d'un amoureux, le baiser rendu, la mémoire des premiers rayons réchauffants nos corps engourdis. Tout cet univers fusionne en une odeur nocturne. Une odeur immense réduite à une fulgurance invisible baignée de nuit et d'absence. J'ai dans les veines le parfum de ce soir là.